Je me souviens souvent de toi l'Italien,
toi qui est venu poser tes valises
pour vivre et mourir sur ce sol Vosgien.
loin de ta terre, loin de la ville de Trevise,
Ce fut un déchirement de quitter ton pays,
mais pourquoi survivre sans espoir
sous la dictature de Benito Mussolini
et de ces hommes en chemises noire?
Sous un nom d'emprunt tu es venu en France
comme l'on fait d'autres émigrants
plus loin, plus haut, pour obliger la chance
à te sourire, pour construire ton présent.
De tes mains et de ta force de caractère,
avec patience, avec ton savoir de maçon
tu as rénové cette humble chaumière
pour donner quatre murs à toutes tes raisons.
Moi qui t'ai connu à peine quinze ans,
cet éclat dans ton regard énigmatique
ne dévoilait aucun de tes sentiments
même quand tu étais mélancolique.
Je te revois encore avec grand-mère
assis derrière chez vous sur un petit banc
savourer l'art difficile d'être grand-père,
à l'ombre d'une tonnelle et de vos cinq enfants.
Je commençais seulement à te comprendre,
moi qui découvrais de tendres tourments
quand la triste nouvelle se fit entendre
en ce mois de novembre s'arrêta pour toi le temps.
L'année qui t'as vu partir pour toujours est celle où,
personne à un de tes petits-enfants ne pouvait expliquer
que beaucoup, des origines des autres sont jaloux,
et que même naturalisé on reste un étranger.
Je me souviens souvent de toi l'Italien,
toi qui m'a laissé en héritage ton prénom
toi qui m'a appris à parler avec les mains
moi qui comme toi aime la vie avec passion.
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Pierre Constant Victor JUSNEL
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