Deux êtres tendrement et follement unis
s'offraient en présent, le cadeau d'une vie,
sans penser qu'il y eut là matière à déraison
dans le choix et l'attente d'un prénom.
La légendaire Semiramis et Babylone jamais il n'eut connu,
pour lui, elle était cette reine et ses jardins suspendus
où germerait avec impatience ce frêle bourgeon,
en ces nouveaux jours d'une première saison.
Plus la division se faisait, plus se construisait cette entité,
gavée de sève nourricière pour parfaire son identité,
simple poussière d'ange ou graine de démon,
fleur d'un matin au parfum soutenu ou légume rond.
Ni l'un ni l'autre n'étaient dans l'âme jardinier,
pourtant elle s'appliqua avec douceur et sérénité
à bâtir cette Grande Muraille de Chine
pour protéger son doux jardin d'un clos sans épine.
Voici que déjà sonnait la fin d'une deuxième saison,
dans cet antre, le temps œuvrait avec perfection,
en grand secret, profitant de cette seule inconnue,
sachant qu'avec ce grand bonheur l'un des deux serait déçu.
Lui, n'aimait que le bleu, comme la couleur de ses yeux,
ce bleu qui l'avait rendu fou et incroyablement heureux,
elle, n'aimait que le rose, comme ces fleurs de velours
qu'il lui offrait chaque jour dans un écrin d'amour.
Il y a maintenant tout juste trois saisons
qu'une chrysalide a formé ce doux cocon
pour que vienne un papillon aux ailes veloutées
apportant ce cadeau de vie à deux apprentis jardiniers,
voici les premières heures d'une nouvelle saison
pour ce nouveau-né dépourvu pour l'instant de prénom
que lui désirait si ardemment
qu'elle a conçu pour eux si patiemment.

Pierre Constant Victor JUSNEL